Quand le démarchage commercial génère un comportement déloyal

  • Post published:28 avril 2023

L’hôpital se moquerait-il de la charité ?

Une société a développé une marque de premiers linges et soins pour bébés dont les produits sont revêtus d’une même composition graphique :

  • la mention « né à », inscrite en partie supérieure dans une écriture liée et naïve, de couleur rose ou bleue ;
  • un motif composé de barres horizontales centrées de couleur bleu marine sur lequel apparaissent les noms de la maternité et de la ville de naissance.

Ces articles sont destinés aux services de naissance afin qu’ils puissent les distribuer aux nouvelles mamans.

C’est dans ce contexte que la société approche une association en charge de la gestion d’un hôpital privé à laquelle elle transmet une brochure commerciale.

L’établissement décline l’offrepeu après, la société constate la commercialisation de layettes reproduisant sa composition graphique et une mention approchante « Je suis né à ».

Après une mise en demeure infructueuse, l’entreprise saisit le tribunal sur le fondement d’actes de contrefaçon de droit d’auteur et de concurrence déloyale et parasitaire.

Le jugement rejetant l’ensemble de ses demandes, la demanderesse interjette appel.

Sur l’originalité de la composition concernée, la Cour confirme l’analyse des premiers juges et considère que les éléments et leur combinaison sont banals.

Leur contraste (écriture enfantine et douceur de la graphie d’une part, motif rigide évoquant un aspect administratif d’autre part) ne permet pas de « révéler l’expression de la personnalité de l’auteur et de sa sensibilité, insuffisamment établie à cet égard pour révéler une création intellectuelle propre à cet auteur ».

Pas de droits privatifs, pas de contrefaçon.

Mais quid de la concurrence déloyale et parasitaire ?

La Cour constate :

  • l’offre de partenariat commerciale formulée par la demanderesse et les produits proposés dans ce cadre ;
  • la commercialisation, quelques mois plus tard, de layettes qui s’inspirent de la composition concernée « par la reprise de l’écriture, des couleurs, de la typographie avec l’ajout de « je suis » à « né à » pour tenter de masquer l’imitation servile » ;
    La concurrence déloyale et parasitaire est ainsi signée.

Risque de confusion ou immixtion dans le sillage ?

Les deux hypothèses fautives sont retenues :

  • « il existe, au vu des éléments ci-dessus rappelés et de l’adoption de la même disposition de ces éléments, un risque de confusion entre l’offre commerciale proposée par (la demanderesse), et le motif figurant sur la layette vendue par l’association » ;
  • la défenderesse « a copié ou s’est à tout le moins très largement inspirée, à titre lucratif et de manière injustifiée, de l’offre commerciale de (la demanderesse), profitant ainsi de son travail sans bourse délier, et s’est placée indûment dans son sillage ».

L’évaluation des dommages et intérêts est en revanche particulièrement modeste :

  • 3.000 euros au titre du préjudice matériel compte tenu de la courte période et des quantités modestes de copies commercialisées ;
  • aucun dédommagement sur le plan moral, la demanderesse ne justifiant pas de l’atteinte subie ;
  • le remboursement des frais de procédure limité à 3.000 euros.

En conclusion, cet arrêt démontre qu’un « concept » n’est pas appropriable mais que sa reprise peut, sous certaines réserves, être sanctionnée par les mécanismes de la responsabilité civile.

Solène Daguier

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