Cass, com 6 décembre 2023
Plongeons dans l’actualité juridique avec la délicate question de la loyauté dans le contexte d’une requête aux fins de saisie contrefaçon.
Une enseigne de grande distribution commercialise des chaussures de tennis ornées d’un signe qu’elle a déposé à titre de marques française et européenne.
Un équipementier sportif a vainement formé opposition à l’encontre de l’enregistrement de ces marques qu’il estimait similaires aux siennes.
Tentant de mettre un terme à leur exploitation, il présente avec succès une requête aux fins de saisie-contrefaçon sur le fondement de ses droits antérieurs.
Il assigne ensuite l’enseigne pour atteinte à ses marques de renommée, contrefaçon de marques et concurrence déloyale.
C’est là que le bât blesse puisque le défendeur soulève la nullité des opérations de saisie-contrefaçon.
Sa défense se fonde sur un manquement à l’exigence de loyauté qui gouverne ce type de procédure.
La loi prévoit en effet que celui qui sollicite l’autorisation de faire procéder à une saisie-contrefaçon doit faire preuve de loyauté dans l’exposé des faits au soutien de sa requête, afin de permettre au juge d’autoriser une mesure proportionnée.
En l’occurrence et lors de la présentation de sa requête en saisie-contrefaçon, le demandeur a omis de préciser :
- que le défendeur était titulaire de marques française et européenne sur le signe figuratif incriminé ;
- qu’il s’était opposé sans succès à l’enregistrement de celles-ci ;
Le Tribunal, puis la Cour d’appel, ont considéré que l’équipementier avait engagé sa responsabilité en présentant sa requête en saisie-contrefaçon aux fins de saisie-contrefaçon de manière déloyale.
Un pourvoi à l’encontre de cette décision a été formé par le demandeur.
La Cour de cassation confirme la nullité des opérations, soulignant que le demandeur à « une saisie-contrefaçon doit présenter, au soutien de sa requête, l’ensemble des faits objectifs de nature à permettre au juge d’appréhender complètement les enjeux du procès en vue duquel lui était demandée cette autorisation et ainsi d’exercer pleinement son pouvoir d’appréciation des circonstances de la cause ».
Si les décisions administratives ne lient pas le tribunal judiciaire, cela ne doit pas constituer un motif légitime pour s’abstenir de produire les précédents permettant d’appréhender pleinement le contexte du litige (fussent-ils défavorables !).
Cette erreur engage la responsabilité du taisant, tenu de verser une indemnité de 10.000 euros au défendeur.