Licence de marques : attention à bien assurer la jouissance paisible des titres en cause !

  • Post published:8 décembre 2023
Photo gratuite homme d'affaires, examiner, papiers, table

CA Paris, 26 mai 2023

Une société française spécialisée dans la vente d’articles de mode, d’accessoires pour la maison et d’arts de la table, dépose en 2008, une marque chinoise constituée du nom du créateur à l’origine de l’enseigne, pour désigner des produits cosmétiques.

En 2016, l’Office chinois constate que la marque n’a pas fait l’objet d’un usage pour les produits visés à son libellé et prononce sa nullité.

Un recours contre cette décision administrative est formé devant le tribunal compétent de Pékin.

En avril 2018 et alors que cette procédure est toujours pendante, la société française conclut, avec un opérateur chinois, un contrat de licence portant sur la « marque » qui n’en est plus une, en vue de la commercialisation en ligne de produits cosmétiques.

Le concédant se garde bien de mentionner la décision ayant annulé la « marque » objet du contrat, l’existence du recours, et ses conséquences en cas de confirmation de l’annulation.

Aux termes de cet accord, le licencié est tenu de respecter une certaine date pour la mise en vente des produits et d’acquitter une redevance proportionnelle aux ventes, assortie d’un montant minimum garanti annuellement.

En raison de difficultés pour se conformer aux délais convenus, les parties signent un avenant repoussant la date de sortie des produits de maquillage et augmentant le montant minimum garanti.

Dans le même temps, le tribunal de Pékin se prononce sur le recours susvisé et confirme l’annulation de la marque, sa décision étant publiée fin novembre 2019.

C’est à cette date que le concédant, après avoir mis en demeure le licencié sur le fondement d’une redevance impayée, l’assigne en résiliation du contrat de licence.

Ayant été informé de la décision d’annulation de la marque, le licencié sollicite reconventionnellement la nullité du contrat et de son avenant, alléguant un dol au moment de leur signature et plus largement l’absence de contrepartie à ses obligations.

De manière fort surprenante, le tribunal estime, sur le fondement du dol allégué, que le concédant n’a pas dissimulé intentionnellement des informations cruciales au licencié dès lors que le statut de la marque était disponible publiquement au moment de la signature du contrat.

La demande de nullité de la licence est donc rejetée mais le contrat est résilié aux torts du concédant en raison de son manquement à assurer une jouissance paisible de la marque concédée.

La Cour d’appel de Paris confirme cette analyse et considère que le concédant aurait dû tenir le licencié informé des risques encourus au titre de l’annulation de la marque :

« il existait, compte tenu des procédures en cours, une incertitude quant aux droits (du concédant) sur la marque (objet du contrat) en Chine, (le concédant) n’en ayant pas informé son licencié alors (qu’il) s’inquiétait de son renouvellement. Il en résulte que (le concédant) n’a pas assuré une jouissance paisible de la marque concédée en contravention des dispositions de l’article 11.3 du contrat de licence ci-avant rappelée ».

Ce manquement a par ailleurs causé au licencié un préjudice moral, ce dernier ayant noué en vain des accords avec des partenaires en Chine en vue de la commercialisation de produits cosmétiques sous licence d’une marque sujette à caution !

Laisser un commentaire