Selon vous, quel type de produits désigne cette marque ?

  • Post published:15 janvier 2024

Du vin ? Non…et c’est là toute la problématique

CA Bordeaux, 17 octobre 2023

Le saviez-vous ? Le classement 1855 des vins bordelais constitue la première classification des vins de Bordeaux établie à l’occasion de l’exposition universelle de Paris de 1855.

Depuis 2004, un syndicat professionnel en assure la défense contre toute atteinte pouvant être portée aux mentions traditionnelles (ou aux dénominations les évoquant) associées aux vins bénéficiant d’un tel classement.

C’est dans ce contexte qu’il a constaté le dépôt de la marque comportant la mention « 1855 » associée au terme « MILLESIME » dont s’agit, pour notamment désigner des vêtements, ainsi que la réservation du nom de domaine « art&luxe1855.com ».

Les signes ne sont toutefois pas utilisés dans le cadre d’une exploitation viticole mais pour désigner un commerce de chemises de luxe en série limitée.

Cette circonstance exclut-elle toute atteinte ?

Le syndicat adresse une lettre de mise en demeure à l’exploitante et lui demande de renoncer à la marque litigieuse retirer et d’en cesser toute exploitation ainsi que d’abandonner son nom de domaine.

L’intéressée retire immédiatement toutes mentions relatives à l’univers viticole de son site mais maintient son dépôt de marque.

Le syndicat décide de l’assigner, opposant un arsenal de griefs tels que :

  • la nullité de la marque pour déceptivité ;
  • la contrefaçon de la mention traditionnelle « 1855 » ;
  • l’atteinte à la renommée de la mention traditionnelle « 1855 » ;
  • les pratiques commerciales trompeuses et le parasitisme tirés de l’association d’une mention évoquant l’ancienneté et le prestige du domaine viticole à une activité récente et totalement distincte.

Le tribunal déboute le syndicat de l’ensemble de ses prétentions et l’affaire est confiée à la Cour d’appel de Bordeaux.

Sur la demande en nullité de la marque pour déceptivité, la Cour relève que la mention 1855 « fait incontestablement référence à une date dès lors qu’elle est associée au mot MILLESIME et renvoie en ce sens à l’univers du vin et des grands crus classés ».

Complétée par les mentions « ART&LUX » et « Fabriqué en France », elle considère que la marque évoque « à la fois l’ancienneté, la provenance et la qualité du produit ».

En outre, elle constate que les éléments verbaux sont disposés au sein d’un cartouche qui n’est pas sans rappeler les étiquettes des grands crus et des châteaux dont ils proviennent, et sous lesquels ils sont commercialisés.

La Cour en tire la conséquence que la marque est de nature à « induire la croyance chez le consommateur moyen à un produit d’exception, dont la marque existe depuis 1855, susceptible de constituer un produit dérivé ou une émanation des crus classés en 1855 et à faire croire en conséquence à un lien économique » avec le syndicat.

Or, cette croyance est erronée dès lors que la défenderesse n’a aucune relation avec l’univers des vins d’exceptions millésimés, ni avec les crus classés en 1855.

Ne « remplissant pas son office d’identification des produits qu’elle désigne », la marque est annulée.

Sur la contrefaçon et l’atteinte à la renommée des marques « 1855 » enregistrées pour désigner du vin et des tabliers, la Cour rejette les demandes du syndicat dès l’instant où :

  • le risque de confusion est exclu puisque les produits et services ne sont ni concurrents, ni complémentaires (les « tabliers » de la marque opposée ne sont pas similaires aux « vêtements » de la marque contestée puisqu’il s’agit de vêtement professionnels !), outre que les signes comportent des éléments de distinction ;
  • la renommée des marques n’est pas suffisamment établie au regard des éléments versés aux débats (aucun ne permet d’affirmer l’ampleur de la promotion des marques et des investissements réalisés par le demandeur pour leur promotion, de même qu’aucune étude, audit ou sondage d’opinion ne permet de mesurer la connaissance effective de la marque auprès d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par la marque).

Sur les pratiques commerciales trompeuses, la Cour relève que le syndicat n’établit pas que la confusion éventuelle avec le classement invoqué a pu altérer « d’une quelconque manière ou créer un risque d’altération, a fortiori de manière substantielle, du comportement commercial du consommateur au profit de la marque litigieuse ou au détriment de la marque 1855, alors que les deux marques ne recouvrent pas les mêmes produits ou services ».

En d’autres termes, le seul fait que la marque litigieuse puisse évoquer l’univers du vin et des châteaux ainsi que l’ancienneté de la marque, est insuffisant pour caractériser une pratique commerciale déloyale ou trompeuse sans preuve d’une altération effective et/ou un risque d’altération du comportement économique du consommateur.

Pour cette même raison, le parasitisme est également exclu.

Le syndicat n’obtient finalement aucun dommage et intérêt et devra donc se contenter de l’inscription, par l’INPI, de la nullité de la marque contestée ainsi que du remboursement de ses frais irrépétibles d’appel à hauteur de 5.000 euros.

Pour éviter de tomber dans un tel écueil et démarrer L’exploitation sereine d’un signe, nous vous recommandons de vous orienter vers un expert en la matière pour vous accompagner dans le cadre du développement de votre marque.

Solène Daguier

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