De l’importance des différences conceptuelles dans l’analyse des signes et rappel en matière de preuve d’usage de la marque

  • Post published:20 juin 2022

Cour d’appel de Paris, 22 avril 2022, RG n°20/18819

Ce récent arrêt constitue l’occasion de revenir d’une part sur les preuves d’usage d’une marque dont la déchéance est encourue (I), et de rappeler d’autre part, (II) que des différences conceptuelles entre les signes peuvent conduire à l’exclusion d’un risque de confusion.

En l’espèce, un producteur de Champagne bénéficiant d’une AOC est titulaire de marques constituées de la consonne « G » surmontée d’un tréma. Il reproche à un concurrent spécialisé dans la vente de crémants, la commercialisation de bouteilles dont les étiquettes comportent le terme « LE POINT » écrit en caractères de petite taille, suivi de la lettre « G », inscrite en caractère beaucoup plus gros et surmontée d’un point :

Assigné en contrefaçon, le défendeur sollicitait reconventionnellement la déchéance des marques revendiquées pour défaut d’usage. Le tribunal ayant tout à la fois exclu la déchéance et la contrefaçon de marques, la Cour d’appel est saisie de ces deux chefs de jugement.

Marques revendiquéesEtiquette litigieuse
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I – L’usage sous une forme modifiée des marques revendiquées

Pour justifier de l’usage sérieux de ses marques dans la période requise devant la Cour, l’appelant produit des éléments identiques à ceux communiqués en première instance :

  • captures d’écrans de site internet,
  • bons à graver d’étiquettes,
  • avis de consommateurs.

L’intimé fait valoir que ces preuves révèlent une exploitation sous une forme modifiée des marques qui, aux côtés d’autres mentions (nom patronymique, dénomination sociale notamment), ne répondent pas aux critères de l’usage attendu.

La Cour confirme toutefois le jugement et considère que la déchéance n’est pas encourue. Elle relève notamment, à l’égard de cette configuration « distincte » des marques, que « si les signes exploités constituent un usage sous une forme modifiée de la marque en cause, les adjonctions en dessous et au-dessus du G portant tréma, du nom (patronyme) et d’un encadré n’altèrent nullement le caractère distinctif du signe « G » surmonté d’un ¨ dès lors qu’il apparaît en haut du logo ainsi formé et se lit en premier ».

II – L’importance des différences conceptuelles dans l’appréciation du risque de confusion entre les signes litigieux

La similarité des produits n’étant pas contestée, seule la méthode de comparaison des signes est de nouveau discutée.

La Cour d’appel se livre à une appréciation classique en trois temps :

  • visuellement, « le signe complexe « Le point G » a en commun avec les marques antérieures constituées d’un G portant un tréma, d’être composé de la lettre G représentée en caractère majuscule surmonté d’une ponctuation constituée d’un point » ;
  • phonétiquement, « ils ont en commun la lettre G qui s’inscrit toutefois pour le signe critiqué, dans une expression « Le point G » composée de trois syllabes » ;
  • sur le plan conceptuel, « la lettre G bien que représentée en plus grande taille fait partie d’une expression « Le point G » qui forme un tout ayant une signification propre et renvoyant le public à la zone érogène ainsi désignée et à la notion de plaisir que pourrait lui procurer la consommation de la boisson portant cette marque, évocation à laquelle ne renvoie nullement le G surmonté de deux points que le public appréhendera comme un tréma et non comme deux points. A cet égard, la société appelante ne peut être suivie lorsqu’elle affirme sans le démontrer que la dénomination contestée ne saurait renvoyer à la seule notion de plaisir sauf à constituer une publicité illicite, en contravention aux dispositions de la loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme dite ‘loi Evin ».

Les similitudes ainsi relevées excluent, selon la Cour, le risque de confusion ou d’association dans l’esprit du public entre les signes litigieux. Ce faisant, l’absence de contrefaçon est confirmée.

Cet arrêt surprend toutefois, notamment eu égard aux modalités de présentation du signe contesté qui semblent particulièrement mettre en exergue la lettre « G » et l’un des points constitutifs des marques antérieures…

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