Coup de projecteur sur la sanction d’actes parasitaires dans le cadre d’une action dite « préventive »

  • Post published:10 novembre 2022

CA Paris, 9 mars 2022, RG n°20/01528

Une entreprise spécialisée dans la fabrication de luminaires commercialise une gamme de projecteurs, laquelle se compose d’une déclinaison d’un premier modèle référencé « Spot C » créé en 2008 et reconnaissable par sa petite taille, ses performances, sa « casquette » et son articulation aimantée permettant une orientation à 360° :

Constatant la présentation de projecteurs sensiblement similaires au sein d’un catalogue destiné aux prescripteurs, la société assigne sa concurrente en parasitisme.

Cette action initiée à titre préventive – aucun acte de commercialisation effective du défendeur n’ayant été constaté – se solde par un échec en première instance.

La cour d’appel est alors saisie de la question de savoir si les faits de l’espèce constituent ou non, une concurrence parasitaire.

1. Caractérisation de la valeur économique individualisée

La cour relève que l’appelante justifie d’éléments permettant de constater :

  • le processus de recherche et de développement consacré à l’élaboration de la gamme ;
  • les investissements financiers consentis, et notamment l’octroi de deux crédit impôt recherche ;
  • le succès du modèle phare « Spot C » et de ses déclinaisons, avéré par les chiffres de vente ;
  • la reconnaissance des projecteurs dans le monde du luminaire haut de gamme du fait de leur exploitation dans le cadre d’exposition prestigieuses ou dans des lieux spécifiques ;
  • la qualité des produits dont la fabrication a été relocalisée en France.

Elle en tire la même conclusion que le jugement dont appel : « cet ensemble d’éléments (démontre que) la gamme de luminaires créée puis développée et continuellement mise en avant, fruit d’un savoir-faire et d’investissements financiers et humains, constitue une valeur économique individualisée »

2. La faute parasitaire

La comparaison des modèles en cause conduite sur photographies et plans détaillés, révèle que les produits incriminés constituent des copies quasi-serviles des spots développés par l’appelante.

Le concurrent a en effet reproduit selon un même agencement et dans des proportions identiques, un certain nombre de caractéristiques identitaires de la gamme (socle, sphère, aimant, optique câblage).

Se targuant de l’absence d’originalité des produits litigieux et de la circonstance selon laquelle leurs éléments communs seraient imposés par leur fonction, l’intimée considère que ces modèles n’en constituent pas pour autant des copies « fautives ».

La cour écarte néanmoins ces moyens de défense :

  • « l’originalité éventuelle des produits est indifférente en la matière, aucun droit privatif n’étant revendiqué dans la présente instance » ;
  • l’intimée ne démontre pas « que l’ensemble des caractéristiques de ces produits se trouvait présent dans des modèles commercialisés en 2008 ou même à ce jour, les antériorités opposées présentant des différences significatives, notamment en termes de design ».

Elle retient ainsi que l’intimée a profité :

  • des frais engagés par l’appelante, « en proposant à la vente une gamme de produits copiant celle déclinée avec succès depuis de nombreuses années par la société (appelante), la société (intimée) s’est procurée un avantage concurrentiel, bénéficiant sans bourse délier des investissements exposés, leur ancienneté ne remettant pas en cause leur réalité et leur importance d’autant plus que les modèles en cause sont toujours des produits phares de l’appelante » ;
  • du succès des produits imités « en cherchant à se placer dans le sillage de la société (appelante), qui jouit d’une notoriété certaine dans ce secteur de niche et est réputée pour la performance de ses produits, sans prendre de risque commercial pourtant inhérent au lancement d’une nouvelle gamme ».

La question se pose encore de savoir si l’offre à la vente de copies quasi-serviles sans commercialisation effective, constitue ou non un acte parasitaire ?

La réponse est affirmative, « en proposant à la vente cette gamme très spécifique de luminaires, la société (intimée) a commis à l’encontre de la société (appelante) des actes de concurrence parasitaire ».

La cour fait ainsi droit à la demande de cessation des agissements en considérant que si l’appelante « ne justifie effectivement pas de la commercialisation de produits (incriminés), il n’en demeure pas moins que ces produits ont été proposés à la vente dans un catalogue distribué à des prescripteurs de ce type d’installation lumineuse, l’action préventive ainsi intentée par l’appelante ne pouvant la priver de la possibilité de demander la cessation de ces agissements ».

En revanche, les mesures de publication de la décision ne se justifient pas eu égard aux circonstances d’espèce.

Solène Daguier

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