Le parasitisme dans le domaine de la mode

  • Post published:24 novembre 2023

CA Paris, 10 novembre 2023

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Le parasitisme est défini comme le « comportement par lequel un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans bourse délier, de ses efforts et de son savoir-faire ».

Ainsi qualifié, il semble constituer la voie royale pour poursuivre celui qui, de manière récurrente, s’inspire de l’univers d’une marque et copie ses modèles, comportement fréquemment rencontré dans le domaine de la mode.

En défense et sous couvert du caractère prétendument banal des modèles dont il s’inspire, le parasite invoque la liberté du commerce pour tenter de légitimer ses agissements.

Reste que les chances de succès des actions introduites sur le fondement du parasitisme demeurent aléatoires et dépendent de la caractérisation par le demandeur, d’une “valeur économique individualisée”, et de la sensibilité des juges pour apprécier le caractère fautif du comportement invoqué le cas échéant.

La Cour d’appel de Paris a très récemment rendu un arrêt particulièrement notable en la matière.

Le litige oppose une Maison de luxe dont la marque et les produits sont notoires, à une enseigne bien connue de la fast fashion.

Depuis 2017, la griffe constate la publicité, la promotion, l’exportation et la commercialisation de copies de ses sacs et accessoires (bijoux, lunettes, portefeuille, chaussures, ceinture).

Elle assigne donc sur le fondement du parasitisme et obtient gain de cause devant le Tribunal de commerce de Paris ; le montant des dommages et intérêts dû par les défenderesses étant alors fixé à la somme non négligeable de 1.500.000 euros.

Les sociétés défenderesses interjettent appel aux motifs que “la reproduction ou l’imitation n’est pas déloyale en soi, même si elle se répète dans le temps, en l’absence d’un réel effet de gamme et qu’un effet de gamme ne peut résulter de quinze modèles commercialisés sans liens entre eux et sur une période de trois ans”.

En outre, elles demandent que soient écartés des débats les neuf modèles nouvellement invoqués en cause d’appel dès l’instant où les premiers juges n’ont pas statué dessus.

La Maison du luxe rappelle quant à elle qu’elle incrimine “un comportement global de suivisme en accumulant les reprises dans le but de permettre à la clientèle de se constituer, à moindre coût, une garde-robe” de sa marque, en dehors de tout effet de gamme.

Elle fait par ailleurs remarquer que la caractérisation de la valeur économique peut inclure, au-delà des critères standards, des éléments généraux tels que l’emploi d’un directeur artistique, d’équipes de créateurs, ainsi que les importants investissements consacrés à la communication et à la promotion de la marque et des défilés.

La Maison sollicite donc la confirmation du jugement, outre une majoration de la condamnation des appelantes compte tenu de la poursuite des agissements fautifs en cours d’appel.

La Cour considère tout d’abord que les nouveaux modèles sont parfaitement recevables dès l’instant où ils sont invoqués pour démontrer le comportement parasitaire dont s’agit.

Elle vérifie ensuite et met en rapport, modèle par modèle, la qualité des copies et les éléments factuels propres au succès ou à l’exposition publicitaire de chacun des modèles invoqués (parutions presse, présentation lors de défilés…).

La Cour en tire la conséquence que la Maison parvient à caractériser une valeur économique individualisée pour chacun des modèles.

Selon elle, le parasitisme est signé, les copies étant apparues juste après la promotion des modèles notoires revendiqués à l’occasion de défilés et/ou de parutions presse.

Cette faute occasionne un préjudice en ce qu’elle nuit notamment à l’image et à la réputation de la Maison, fondée sur l’exclusivité et le luxe.

Le montant des dommages et intérêts est révisé à hauteur de 2.000.000 euros.

Une mesure de publication est également ordonnée afin d’assurer la visibilité cette condamnation exemplaire dans le secteur concerné, laquelle serait susceptible de freiner les ardeurs d’enseignes peu scrupuleuses.

Solène Daguier

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