Une exploitation bien assurée du slogan « Y’a rien à faire c’est la MAAF qu’il/elle préfère »

  • Post published:8 mars 2022

(Tribunal judiciaire de Paris, 3e chambre 2e sec, 21 janvier 2022)

Le célèbre slogan de l’assureur était au cœur d’un litige au tribunal, accusé de contrefaçon et parasitisme.

Sur nos écrans depuis 2005, le spot publicitaire de la MAAF diffusait une version réenregistrée et adaptée de la chanson « C’est la ouate » dans laquelle les personnages déclamaient sur la mélodie et dans une ambiance de comédies musicales, l’expression « Efficace et pas chère c’est la MAAF que je préfère…c’est la MAAF » (https://www.youtube.com/watch?v=Mc7tHPuLMKQ).

Selon contrat expirant au printemps 2019, cette exploitation avait été autorisée par la société d’édition titulaire des droits sur la chanson.

Par la suite la compagnie d’assurance adopte une nouvelle communication abandonnant l’univers de la comédie musicale et l’air de la chanson au profit d’une parodie de films d’espionnage, en préservant toutefois les expressions « Rien à faire, c’est la MAAF qu’il préfère ! » et « C’est la MAAF que je préfère » (https://www.youtube.com/watch?v=yeyafYUDWRg).

C’est dans ce contexte que les auteurs de la chanson et leur maison d’édition ont assigné la MAAF et son agence de publicité.

1. Séquence de la chanson originale vs. Exploitation non contrefaisante des slogans de la MAAF :

1. Les demandeurs revendiquent des droits d’auteur sur l’intégralité de la chanson ainsi que sur la séquence « de toutes les matières c’est la ouate qu’elle préfère ».

Limitant dans le cadre du présent litige, l’appréciation du caractère original à la seule phrase chantée, le tribunal considère que « la combinaison du rythme de la mélodie et de la succession de rimes (…) par les choix qu’elle suppose, traduit nécessairement la personnalité de leurs auteurs ».

La séquence « de toutes les matières c’est la ouate qu’elle préfère », avec la mélodie de la chanson dont elle est extraite, bénéficient ainsi d’une protection au titre du droit.

2. Au sein des nouvelles publicités de la MAAF, les expressions litigieuses reprennent, sur un air de musique différent, le verbe conjugué « préférer » à la première (ou troisième) personne de la séquence originale.

Dans la mesure où ni la mélodie ni la succession de rimes caractérisant l’originalité de l’œuvre n’ont été reproduites, la contrefaçon est cependant écartée :

« en premier lieu, force est de constater que n’a pas été reprise la mélodie qui accompagnait précédemment la phrase dont l’utilisation avait été autorisée par les demandeurs, « Efficace et pas chère c’est la MAAF que je préfère …. c’est la MAAF ». En second lieu n’a été conservée que la chute de la phrase, c’est-à-dire le verbe « préférer » conjugué à la première ou à la troisième personne. Cette seule reprise ne peut être considérée comme la contrefaçon de l’expression litigieuse dans sa combinaison originale, dès lors qu’aucune autre des caractéristiques revendiquées n’a été utilisée. La contrefaçon étant insuffisamment établie, les demandes formulées à ce titre doivent être rejetées. »

2. Absence de valeur économique de la phrase chantée « De toutes les matières, c’est la ouate qu’elle préfère » vs. Valeur économique du slogan « Y’a rien à faire c’est la MAAF qu’il/elle préfère » non attribuable aux auteurs

1. Les auteurs prétendent que l’exploitation au sein de la nouvelle campagne publicitaire de slogans dérivés de l’expression « Y’a rien à faire c’est la MAAF qu’il/elle préfère » – telle que scandée dans l’ancien spot publicitaire sur la mélodie du titre « C’est la Ouate ! » –  vise à entretenir un risque de confusion dans l’esprit du public, lequel serait maintenu dans l’idée que la MAAF continue d’exploiter la chanson litigieuse.

La maison d’édition prétend en outre que par ce comportement, la MAAF se serait inscrite dans le sillage de la phrase « De toutes les matières, c’est la ouate qu’elle préfère ».

2. Le tribunal rappelle d’abord que « l’existence d’acte distincts de ceux qui fondent l’action en contrefaçon n’est pas requise en matière de parasitisme et qu’ils ne nécessitent pas, comme en matière de concurrence déloyale, que soit établi un risque de confusion auprès du public concerné ».

Statuant en premier lieu sur l’argument développé par la société d’édition, les juges dénient toute valeur économique à la phrase « De toutes les matières, c’est la ouate qu’elle préfère » dont l’autorisation d’adaptation avait été donnée durant plus de 16 ans.

En second lieu, les juges considèrent que la valeur économique du slogan « Y’a rien à faire c’est la MAAF qu’il/elle préfère » :

  • ne peut, en l’absence de mélodie, être attribué aux auteurs de la chanson litigieuse « dont il ne reprend que les seuls mots « c’est la () qu’elle préfère sur lesquels (ils) ne peuvent exiger de se voir reconnaître un monopole » ;
  • est attribuable à la compagnie d’assurance : « la notoriété de ce slogan, qui justifie sa reprise au sein de la nouvelle campagne publicitaire de la MAAF, est le fruit de ses propres investissements et non de ceux des auteurs, ce qui ne peut être contesté au vu des campagnes publicitaires massives de la défenderesse ».

Dès lors, sa reprise ainsi que celles des expressions dérivées « Rien à faire c’est la MAAF qu’il préfère ! » / « C’est la MAAF que je préfère » au sein d’une nouvelle campagne publicitaire, dont le scénario est totalement distinct du spot initial, n’est pas fautive :

« loin de traduire la volonté de la MAAF de se mettre dans le sillage de la chanson « C’est la ouate », le changement d’univers de sa campagne publicitaire au profit d’une parodie de films d’espionnage traduit au contraire la recherche d’un nouveau positionnement visant à s’en écarter.« 

Ce faisant, le jugement considère que la volonté d’assurer la continuité des campagnes publicitaires à succès de la MAAF ne caractérise pas un comportement parasitaire.

Solène Daguier

Laisser un commentaire